Et vous, portez-vous une main de Khamsa ?

Objet de décoration ou porte-bonheur, la main de Khamsa est présente dans de nombreuses cultures et religions. Considérée comme un symbole de protection et de rempart contre le mauvais œil, elle aurait le pouvoir de conjurer toute menace ou action maléfique contre soi. Portée sous forme de bijou, ornant les maisons ou suspendue dans les voitures et à l’entrée des petites échoppes, la main de Khamsa apporte la bonne fortune, la santé et la prospérité à ceux qui la possèdent. Alors si vous n’avez pas de main de Khamsa dans votre collection de bijoux ou dans votre décoration intérieure, il est peut-être temps d’y remédier. 

La main de Khamsa - "cinq" en arabe - ou "tafust" en langue berbère amazigh, fait référence aux cinq doigts de la main. Originaire du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, elle est également présente dans d'autres régions comme l'Inde ou la Turquie. Son origine exacte est incertaine, mais pour certains chercheurs, sa première apparition date des anciennes civilisations, notamment égyptienne et phénicienne.Très répandue dans le monde nord-africain (Tunisie, Algérie, Maroc, mais aussi en Libye et en Égypte), la Khamsa est souvent peinte sur les façades des maisons, réalisées en céramique de couleur vive ou turquoise, attirant l’oeil et egayant médina et rues alentours. 

Généalogie d’une amulette apotropaïque

La Khamsa n’est pas forcément rattachée aux religions monothéistes (musulmane, juive ou chrétienne). Ce talisman lui-même précède ces religions, remontant à l'ancienne Mésopotamie (actuelle Irak) et Carthage (Tunisie), où il était associé aux déesses Ishtar et Tanit ou encore à la déesse égyptienne Isis : figure de la maternité, de la fertilité et de la protection. Ces références divinatoires ajoutent une dimension mystique et spirituelle et rappellent l’importance de la féminité dans le symbole de la main.  

D’ailleurs les femmes musulmanes sont très fidèles à cette amulette car elles croient qu’elle apportera non seulement chance, richesse et joie, mais aussi patience, foi, maîtrise de soi et sagesse... 

"Ce talisman lui-même précède les religions monothéistes"

Dans la tradition islamique, les cinq doigts de la main de Khamsa représenteraient les cinq piliers de l’Islam : la prière, la foi, le pèlerinage à La Mecque, l’aumône et le jeûne. Appelée aussi main de Fatima, elle fait référence à Fatima Zahra, quatrième et dernière fille du prophète Mahomet. 

Pour les chiites, cependant, les doigts de Fatima représentent les « cinq saints » de la famille du prophète : Muhammad, Fatima, Ali, Hassan et Hussein. Le nom d’Ali et parfois tous les noms des douze imams sont inscrits sur les mains de Fatima.  

Porte-bonheur, talisman et religion

Dans le judaïsme, la main de Khamsa est associée à la tribu de Juda. Elle est souvent appelée main de Myriam - sœur de Moïse et d’Aaron. Pour les chrétiens d’Orient, on l'appelle la Main de Marie, en l’honneur de la Vierge Marie. Enfin dans le bouddhisme, elle est utilisée pour représenter les cinq Bouddhas de la sagesse.

Cependant, pour les musulmans sunnites et selon le Coran, seul Allah protège les croyants. Porter une Khamsa pour conjurer le mauvais sort, relèverait selon eux d'une forme de polythéisme (shirk). Ainsi croire que la main de Khamsa apporte par elle-même une protection, reviendrait à la diviniser.

"Pour les musulmans sunnites, seul Allah protège les croyants" 

Contrairement aux chiites qui eux, reconnaissent une place à un signe se référant à Dieu. Pour eux, les doigts de la Khamsa sont fréquemment gravés des cinq noms très respectés de la famille du prophète (Mahomet, Ali, Fatima, Hassan et Hussein). Ainsi la main serait un rappel du nombre des prières à pratiquer quotidiennement.  Chacune de ces prières étant selon les chiites plus ou moins liées à l'un de ces cinq noms fondateurs de l’Islam. Idée que l’on retrouve aussi dans certains courants soufis selon Louis Massignon (1883-1962) - universitaire et islamologue catholique.

Variations sur un même thème

Tout au long de l'histoire, la main de Khamsa a été utilisée comme une amulette pour repousser le mauvais œil, promettant protection et apportant bonne fortune à son porteur. Au cours des siècles, elle a revêtu différentes esthétiques. Certaines mains ont l'œil d'Horus (l'Œil d'Horace, le dieu égyptien du soleil) au centre de la paume, représentant la surveillance et la protection supplémentaires. D'autres peuvent inclure des symboles religieux ou des motifs décoratifs qui varient selon la culture ou la région.

L’amulette peut aussi être représentée avec les doigts étendus pour conjurer le mal ou les pouces levés ou fermés pour la bonne chance. Mais la main de Khamsa est souvent constituée de trois doigts et de deux pouces, un de chaque côté des doigts pointant vers le bas. Cette caractéristique aurait probablement pour but d'éviter que la main ne soit utilisée comme une image gravée ou une idole.

"Une amulette pour repousser le mauvais œil"

En effet, le judaïsme et l'islam interdisent toute reproduction de l’aspect humain. Vous ne trouverez donc pas de telles images dans les mosquées. Idem pour les synagogues, où les images de personnes ou d'animaux ne sont pas représentés, car cela pourrait être pris pour de l'idolâtrie.

On note toutefois de rares exceptions à ces interdictions dans la tradition juive. L'iconographie de la Khamsa reflète toujours cette idée : la main de Dieu, qui symbolise la puissance et la protection divine contre le mal, ne doit pas être représentée sous la forme d'une main humaine réaliste.

Le mauvais œil contre les énergies négatives ?

Et puis il y a la question de l'œil. Beaucoup de Khamsas n’en comportent pas, mais certaines en possède un, en particulier celles accrochées aux murs ou dans les voitures. L'œil est souvent bleu, ce qui aurait été une couleur d'œil exceptionnelle, voire singulière, dans tout le Moyen-Orient, où la tradition a vu le jour.

L'œil est une protection, non seulement contre la maladie et la malchance, mais aussi contre la notion de mauvais œil, qui est très puissante dans presque toutes les cultures, mais surtout au Moyen-Orient et dans le bassin méditerranéen. La  Khamsa est un talisman protecteur qui éloigne le mauvais œil. Le mauvais œil est comme une entité invisible et surnaturelle. La superstition juive, en particulier, veut qu'il se cache dans le monde entier, prêt à affliger les individus d'une force maligne s'ils sont provoqués.

Mais le mauvais œil est aussi envieux de la chance ou du bonheur d’autrui. Et pour le contrer, tout est envisageable : porter un objet antidote, cacher votre bonne fortune pour éviter d’attirer les jaloux ou faire preuve d’autodérision avec ses superstitions. 

"Les superstitions ont toujours existé"

Par exemple dans le monde méditerranéen, on va parfois insister sur la laideur d'un nouveau-né plutôt que sur sa beauté pour conjurer le mauvais sort et épargner à l’enfant une supposée future laideur...

Les superstitions ont toujours existé : du chat noir qui porterait malheur au trèfle à quatre feuilles porte- bonheur ou au vendredi treize ; elles font parties de notre existence. On pourrait aussi évoquer les gorgones (têtes monstrueuses de gorgon) dans la décoration de la Grèce antique ou des gargouilles dans l'architecture gothique. L'esthétique n'est certes pas très rassurante et on préfère sans doute accrocher à nos fenêtres une main de Fatima. C’est plus joli et si en plus, elle éloigne le mauvais œil, c’est encore mieux. 

NB : Le document Main de fatma, se garder du mauvais oeil sur arte.tv